Dans ce billet, nous expliquerons pourquoi, selon la Cour de cassation, la pratique de l’année lombarde est une cause automatique de nullité des intérêts dans un crédit consenti à un consommateur ou non professionnel (pour les précisions sur les intérêts intercalaires, voir
notre second billet).
L’affaire concerne un
prêt immobilier de 500.000 € sur 15 ans au TEG affiché de 5,57%, avec un différé sur deux mois. Le taux d’intérêt conventionnel était calculé selon la pratique de l’année lombarde, soit sur 360 jours (12 mois de 30 jours), au lieu d’une année civile de 365 ou 366 jours. La Cour d’appel de Basse-Terre a refusé de faire droit à la demande de nullité des intérêts au titre de cette pratique. Pour la Cour d’appel, la pratique n’est pas interdite en tant que tel et l’erreur dans le calcul du TEG qui en découlerait n’est pas établie.
Cassation nette et sévère. Selon la Cour de cassation, « le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel ». Implicitement, et à travers le visa de l’article 1907 du Code civil, la Cour de cassation décide que cette seule irrégularité suffit à emporter la nullité de la stipulation d’intérêts.
Que la pratique de l’année lombarde soit interdite dans les crédits consentis à des consommateurs ou non professionnels, nous le savions déjà (Cass. civ. 1ère, 19 juin 2013, n° 12-16.651). Que cela suffise en tant que tel à justifier la nullité de la stipulation d’intérêts, c’est une précision loin d’être inutile.
En matière de TEG, il existe plusieurs catégories de vices (ou erreurs) affectant la mention du TEG :
- des vices (ou erreurs) formels ;
- des vices (ou erreurs) de calcul.
La principale différence entre les deux catégories de vices vient du caractère automatique ou non de la nullité de la stipulation d’intérêts. En matière de vice formel, nul besoin de recalculer le TEG. Le vice formel suffit à faire annuler les intérêts.
Par exemple, l’absence de mention du taux de période est un vice formel qui affecte la validité de la stipulation d’intérêts. Ainsi, si un prêt fait mention du TEG sans faire mention du taux de période, alors la stipulation d’intérêts est automatiquement nulle, sans même qu’il soit nécessaire de vérifier le calcul du TEG. Que le TEG soit exact ou erroné, peu importe.
A l’inverse, une erreur de calcul doit, pour entraîner la nullité des intérêts, aboutir à un écart supérieur ou égal à 0,1 point (encore récemment : Cass. civ. 1ère, 9 avril 2015, n° 14-14.216). Par exemple, il est courant que la souscription de parts sociales soit omise par les banques mutualistes dans le calcul du TEG. Pour autant, cette erreur de calcul suffit rarement à entraîner la nullité des intérêts, car il est rare que les frais liés aux parts sociales (variant de quelques dizaines à quelques centaines d’euros) aboutissent à une erreur d’une décimale.
Tout l’enjeu pour l’année lombarde était là. Soit c’est un vice formel et, en ce cas, le seul fait de calculer des intérêts sur une année de 360 jours suffit à faire annuler la stipulation d’intérêts. Soit c’est un vice de calcul et il faudrait démontrer une erreur d’au moins une décimale pour faire annuler la stipulation d’intérêts. Cette question est loin d’être anodine, car l’erreur liée à l’année lombarde est le plus souvent inférieure à 0,1 point.
Une décision récente de la Cour d’appel de Versailles avait opté en faveur du vice formel, et donc de la nullité automatique (CA Versailles, 2 avril 2015, RG : 13/08484). C’est également dans cette direction que s’oriente la Cour de cassation. Il ne serait donc pas nécessaire de démontrer l’erreur de calcul et la seule pratique de l’année lombarde suffit à obtenir la nullité.
Le même arrêt répond également une autre question majeure que nous commentons dans un second billet :
La prise en compte des intérêts intercalaires.