Affaire Helvet Immo : Pas de responsabilité de la banque au titre de la mise en garde

Affaire Helvet Immo : Pas de responsabilité de la banque au titre de la mise en garde



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CA Montpellier, 5 mai 2015, RG: 14/01883


 

La Cour d'appel de Montpellier écarte la responsabilité de la BNP au titre du devoir de mise en garde. C’est pour le moins surprenant. Alors que la BNP a été mise en examen du chef de pratiques commerciales trompeuses dans l’affaire des prêts en francs suisses, elle a obtenu en parallèle une décharge de sa responsabilité civile au titre du devoir de mise en garde vis-à-vis des emprunteurs.

Volatilité du Franc suisse et envol du coût des crédits en CHF

Pour décrypter cette décision, quelques rappels s’imposent.

 

On entend par « prêts en francs suisses » le mécanisme qui consiste à emprunter un montant libellé en francs suisses, avant de procéder aux remboursements en euros. Le prêt a été, notamment, proposé par la société Helvet Immo, filiale de la BNP. Autrement dit, j’emprunte en francs suisses et je rembourse en euros.

 

Ainsi, s’ajoute au mécanisme du prêt, une part de risque (ou d’espoir de gain) inhérent à la parité franc suisse / euro. En fait de gain, c’est une perte aux allures de puits sans fond qui attendait les emprunteurs. Il y a quelques années, l’euro se cotait à 1,60 franc suisse. D’années en années, le franc suisse s’est apprécié. En début d’année, l’euro cotait à 1,20 franc suisse. La décision de la banque nationale suisse de mettre fin à la cotation plancher n’a fait qu’accroître les pertes (NB : Depuis le 15 janvier 2015, le franc suisse a été brutalement réévalué pour devenir volatile).

 

Les conséquences sont catastrophiques pour les emprunteurs : malgré les remboursements, l’envolée du franc suisse fait augmenter le capital restant dû. L’emprunt devient presque toxique.

 

C’est ce qui a conduit à la mise en examen du chef de pratique commerciale trompeuse. Ce délit est constitué lorsque le professionnel (ici la banque) incite le consommateur à conclure un contrat sur la base d’indications de nature à l’induire en erreur sur les caractéristiques essentielles du bien ou service (C. consomm., art. L.121-1). Ici, il est reproché à la BNP d’avoir induit en erreur sur le caractère spéculatif du prêt.


Pas de devoir de mise en garde spécifique à la charge de la banque

Mécaniquement, au delà de la responsabilité pénale (la pratique commerciale trompeuse est un délit), la banque pouvait engager sa responsabilité civile vis-à-vis des emprunteurs. C’est ce que recherchaient les emprunteurs devant la Cour d’appel de Montpellier, en agissant au titre du devoir de mise en garde de la banque.

 

Cependant, la Cour d’appel de Montpellier les a déboutés de leurs demandes. Certes, devoir de mise en garde et pratique commerciale trompeuse ne relèvent pas du même mécanisme juridique, ce que nous venons de voir. Mais, la Cour d’appel de Montpellier a motivé sa décision en des termes tels que, si le juge d’instruction ou le Tribunal correctionnel les reprenaient, il ne pourrait y avoir qu’un non-lieu ou une relaxe sur le terrain pénal.

 

En effet, la Cour d’appel refuse de reconnaître un caractère spéculatif au prêt (dès lors, il n’y pas d’indication de nature à induire en erreur en ne présentant pas le prêt comme un produit spéculatif), et elle énonce très clairement que les emprunteurs ne pouvaient pas se méprendre sur le risque inhérent à l’opération (dès lors, comment y aurait-il indication de nature à induire en erreur ?).

 

Le dossier qui avait jusqu’alors comme un parfum de scandale se trouve presque vidé en une seule décision.

 

Restons malgré tout prudent, et ne préjugeons pas de ce que pourrait décider la Cour de cassation si d’aventure elle était saisie. Ce n’est pas parce que la Cour d’appel de Montpellier a rendu cette décision que toutes les autres juridictions suivront. Elle fait néanmoins précédent, et cela compliquera considérablement l’indemnisation des autres emprunteurs.


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